L’exceptionnel plomb de sonde trouvé à Vanikoro


plomb de sonde retrouvé à Vanikoro
En 2008, l’Association Salomon organisait sa huitième expédition à Vanikoro sur les traces de l’expédition La Pérouse, avec le support du Dumont D’Urville, batral de la Marine Nationale.
À terre, en mer et sur le récif, différents groupes sont à l’œuvre. À terre, une équipe qualifiée utilisant un matériel à la pointe de la technologie, tels que radars de sol et magnétomètres, recherche en vain des tombes datant de l’époque du naufrage, aux abords du « Camp des français ».
En mer, les plongeurs se relaient dans des fouilles minutieuses sur des sites déjà explorés et devenus dangereux à force d’êtres creusés. Quelques objets intéressants sont mis au jour ; ils iront compléter les collections du Musée Maritime de Nouméa provenant des expéditions précédentes.
La surprise vient du récif surplombant le site de la faille. À marée basse, comme l’avait fait au même endroit Peter Dillon en 1827, l’équipe d’Alain Conan dans laquelle figure l’Amiral Battet, Chef d’état-major de la Marine, effectue des recherches à l’aide de détecteurs de métaux. Une importante anomalie est rapidement localisée dans une petite vasque de sable située à une cinquantaine de mètres du site de la faille. Après plus d’une heure d’efforts avec de l’eau jusqu’à la ceinture, l’équipe qui se relaie pour dégager à tâtons une masse très lourde, y parvient finalement. La surprise est de taille, il s’agit d’un objet en plomb d’une cinquantaine de kilos qui très vite est identifié comme étant un plomb de sonde.
 
Figure 1 - Belle trouvaille! Photo Yves Bourgeois / Association Salomon.
 
Figure 2 - Photo aérienne du site. On aperçoit à gauche, les embarcations des plongeurs travaillant
dans la faille de La Boussole et à droite, l’équipe qui vient de découvrir le plomb de sonde
sur le récif.  Photo Christian Grondin  / Association Salomon.
 
À bord du Dumont D’Urville se trouve le contre-amiral François Bellec, peintre de Marine et écrivain. Il fut également directeur du musée de la Marine de Paris de 1980 à 1998 et avoue que jamais il n’avait vu un plomb de sonde de cette taille.
 
Figure 3 - Au centre de la photo le contre-amiral François Bellec et sur sa gauche
l'amiral Jean-Louis Battet.  Photo Yves Bourgeois/ Association Salomon.
 
Figure 4 - Détails, deux fleurs de lys et le poids en livres en chiffres romains, soit 47kg.
 

L’utilité des plombs de sonde

Comme son nom l’indique, le plomb de sonde permet de mesurer la profondeur d’eau.
Dès le XVème siècle, des navires de la Royale, spécialisés dans l’hydrographie, embarquaient à bord toute une série de plombs de tailles et de poids différents. Début XVIIIème il est fait mention dans des ouvrages de Marine, que les plus gros pesaient effectivement de 20 à 50 Kg. Ces derniers servaient à mesurer les grands fonds.
 
Figure 5 - Différents plombs de sonde trouvés sur les deux sites sous-marins. On distingue la cavité
inférieure où était coulé le suif. Photo Patrick Dancel / Association Salomon.
 
En plus de la profondeur, ils permettaient d’avoir une idée sur la nature du fond. Pour cela, ils possédaient à leur extrémité inférieure une cavité remplie de suif. En percutant le sol, les matériaux composant le fond s’incrustaient dans le suif (sable, coquilles, roches, vase, etc.).

Le tableau de Louis-Philippe Crépin (1772-1851)

Récemment, en observant attentivement le tableau peint par Louis-Philippe Crépin en 1806 et représentant le naufrage des deux biscayennes dans la passe de Lituya Bay en Alaska le 13 juillet 1786, nous eûmes une autre surprise.
 
Figure 6 - Naufrage des deux biscayennes prises dans le mascaret de la Passe de Lituya Bay.
On distingue une troisième embarcation, c’est le canot commandé par M. Boutin
qui seul rejoindra son bord et rapportera le drame.
 
Ce magnifique tableau (*1) fut commandé à l’artiste par Alexandre Marquis de Laborde en hommage à ses deux frères ainés (Edouard-Jean-Joseph et Ange-Augustin-Joseph Laborde) disparus lors de ce naufrage avec dix-neuf autres marins. Les détails de cette œuvre sont troublants de vérité. Peint en s’inspirant d’une gravure d’Ozanne de 1797 illustrant le Milet-Mureau, il est probable que seuls des survivants à l’expédition ont pu donner au peintre ces détails. On pense naturellement à Jean-Baptiste-Barthélemy De Lesseps, vice-consul de Russie et interprète, débarqué de l’Astrolabe au Kamtchatka le 29 septembre 1787 (*2) ainsi qu’au Garde de la marine, Mel de Saint-Céran débarqué de La Boussole à Manille le 16 avril 1787 pour raison de santé.
Sur la droite de ce tableau on distingue, penchés à l’avant de la biscayenne, deux officiers lançant des bouts vers l’autre embarcation en train de couler.
Ce sont sans doute les deux frères Laborde qui sont représentés. C’est de toute évidence une mise en scène en l’honneur des deux frères, car dans la réalité, il semble que les deux biscayennes aient sombré hors de vue l’une de l’autre.
 
Figure 7 – Détail : Les deux personnages représentés à l’avant de
la biscayenne sont sans doute les deux frères ainés Laborde.
 
Figure 8 – Détail : On distingue, à la gauche de l’homme qui tient la barre,
un treuil à main et un plomb de sonde de la taille de celui que nous avons trouvé.
 
Un autre détail de l’œuvre nous ramène à la découverte du plomb de sonde sur le récif de Vanikoro. En observant attentivement l’arrière de la biscayenne des frères Laborde, on distingue très clairement un  treuil à main et… un énorme plomb de sonde ressemblant étrangement à celui qui nous intéresse.
La question que l’on peut se poser est : pourquoi ces embarcations, envoyées pour faire l’hydrographie de la passe à marée étale et dans des petits fonds, avaient-elles à bord des plombs pour grands fonds ? Sans avoir la réponse, nous pouvons imaginer que ces canots faisaient, à chaque nouvelle escale, l’hydrographie des lieux.
Dans les baies abritées, comme Lituya Bay, où les courants et les vents étaient très faibles, chaque relevé devait être positionné précisément sur la carte par rapport aux repères à terre. Cercles de Bordas et graphomètres avaient alors toute leur utilité. Plutôt que de mouiller une ancre à chaque nouvelle mesure, afin d’éviter toute dérive le temps des calculs, ne profitait-on pas de ces énormes plombs qui donnaient profondeur et nature du fond pour maintenir les canots sur place le temps des relevés ?
 
La question reste posée, et si l’un d’entre vous connait la réponse nous y sommes attentifs.
 
(*1) – Il semble que cette œuvre ait été acquise par un Musée de Seattle aux USA en 2017.
(*2) – Il avait pour mission de porter au Roi Louis XVI les dépêches de M. De La Pérouse. Ce voyage dura une année, de Lesseps fut surprit à son arrivée à Versailles le 17 octobre 1788 d’apprendre que l’on était sans nouvelles des deux frégates. (Lire le Journal historique du voyage de M. de Lesseps 1790).